Et j’ai gardé mes vêtements.
On a simplement discuté dans un grand hôtel parisien.
Mais la personne que j’ai revu n’avait rien à voir avec la personne sarcastique et glaciale de la conversation téléphonique.
Je ne lui dois plus rien mais je me sens mal.
C’est à mi-chemin entre de la culpabilité et de la nostalgie.
Je suis sortie du métro de la ligne 5. Je dégageais une telle énergie nerveuse négative qu’un animal aurait pu mourir électrocuté juste en m’effleurant. Je ne sais pas si vous vous êtes déjà rendu au Crowne Plazza en sortant du métro mais il semble encore plus impressionnant. La façade vous domine quand vous sortez de la station et dans la tension qui m’animait, elle me paraissait écrasante.
Je me rends à la réception comme une véritable habituée.
« Bonjour. Je voudrais le numéro de la suite de Mr Goyave. J’ai rendez-vous avec lui.»
« Mademoiselle Cerise ? Monsieur Goyave nous fait dire qu’il vous attend au bar de l’hôtel.»
« Très bien. Merci. »
Je marche, je ne sais comment, jusqu’au bar extrêmement chic. Je me dis que j’ai côtoyé tout ca avec une innocence que je paye alors.
Je l’aperçois de dos. Il a extrêmement maigri et il a changé de look vestimentaire. Il semblait avoir mûri. C’est ce que j’aurais penser s’il ne m’avait pas appeler la semaine d’avant en exigeant que je lui rende quelque chose qu’il était censé m’avoir offert.
Il parle au barman.
J’avance et je m’arrête à côté de lui.
Il tourne la tête vers moi et ce n’est pas de la froideur que j’y vois.
Non, c’est autre chose que je n’arrive pas à décrypter sur le moment.
« Cerise… »
Il a l’air presque content de me voir. Pourtant, il ne sourit pas. Il se lève et s’approche de moi comme pour me faire la bise. Je recule et rétorque :
« Je suis là parce que tu m’as convoqué. Pas pour un rendez vous avec toi. Alors épargne-moi ça s’il te plait ! »
Il a un sourire en biais et tends le bras pour que je choisisse une table où m’asseoir. Je choisis celle au fond à l’angle. Je ne veux pas que quelqu’un entende ce qui se dira.
Nous nous asseyons et je prends la carte des cocktails posés devant moi. Comme d’habitude une Daiquiri et lui ? Whisky. Un classique. En temps normal, j’aurais souri. Mais j’ai d’autres choses en tête.
« Je t’écoute. Fais une liste et je te les rends en matériel. Je n’ai pas 3000€. Je ne les ai pas et même dans 3 ans ça ne sera certainement pas le cas. »
Il laisse un silence durant lequel, il plonge ces yeux noirs écrans dans les miens. On apporte les alcools mais je ne fais même pas signe de vouloir le boire.
« Je ne te demanderais rien Cerise. Pas un centime. »
« Tu penses que je vais sauter en plafond en remerciant ta bonté d’âme ? »
« J’arrive pas à tourner la page. Je n’ai trouvé que ça pour te voir. »
Mon cerveau s’était bloqué. Je ne voulais même pas comprendre ce qu’il était en train de me dire.
« … que ça pour me voir ? »
« Tu me manques. Et pourtant, je voudrais te détester. Ne serait-ce qu’assez pour te sortir de mon crâne. »
« Ne te fous pas de moi Goyave ! Si c’est une nouvelle technique pour me faire du mal parce je ne sais quel moyen tordu… »
« Ce n’est pas le cas. C’est une fois de plus l’acte le plus égoïste que j’ai jamais posé mais j’avais besoin de te voir.»
« Tu avais besoin de me voir ?! Tu avais besoin de me voir ?! »
« Oui… »
« Mais Goyave ! Passe à autre chose ! Toutes les poupées de luxe avec qui tu t’envoies en l’air pendant tes voyages ne me remplacent pas ? J’ai refais ma vie ! Refais la tienne aussi ! Tu me menace pour que je me retrouve dans ton pitoyable hôtel de luxe en face de toi et tu pensais quoi Goyave ? Que j’allais revenir en sautant de joie à l’idée que tout ça n’était qu’un divin acte chevaleresque ? Non ! Ce n’est pas le cas et ça ne sera pas le cas ! »
Je n’avais pas crié. Mon ton était resté bas mais on percevait toute l’animosité et le ressentiment que j’avais pour lui. J’aurais voulu lui crier ma haine et ma colère que j’avais emmagasinées depuis des mois. Mais tout ce qui sortait était du silence à présent. J’attendais juste l’étincelle de ce qu’il dirait pour embraser les feuilles sèches et inflammables des sentiments que j’accumulais depuis tant de temps. Et elle arriva.
« Cerise… J’ai fais tout cela parce que je t’aime. »
J’hoquetai. Mais ce fut la phrase qui mit le feu aux poudres.
« Tu m’aimes ? Goyave, je t’ai certes trompé. Mais on en a discuté. Tu m’as dit être passé au dessus. Avoir évacué. Que tout cela n’était plus rien pour toi. Et quelques mois après, lorsque je retrouve une certaine stabilité, j’apprends d’un DJ que je suis blacklisté sur toutes les boites selects de Paris !! Par ta faute !! Parce que tu voulais tout simplement m’empêcher de vivre ma vie ! Tu sais ce que j’ai enduré pendant cette période là ? Tu sais ce que ton soit disant « acte d’amour » a détruit dans ma vie en pleine période de concours ?
Mais j’ai mis de côté, je me suis remise en question. J’ai avalé tout ce que je subissais. Et la semaine dernière, j’apprends que je te dois 3000€ !!! Je viens ici avec toute la dignité que j’ai réussie à emmagasiner durant mes 20 ans de vie et tu me balances à la gueule que c’est par amour ?! Que c’est parce que tu m’aimes ?!
Non, tu ne m’aimes pas Goyave ! Si c’est ta manière de m’aimer alors je préfère encore que tu me déteste ! Comme si toutes les choses que j’ai vécues dans ma relation avec toi en acceptant de comprendre ton monde, d’y vivre, d’y être aimé, n’étaient pas suffisantes, il faudrait encore que j’accepte ta manière de fonctionné ? Ce n’est pas la mienne ! »
Il me regardait. Je sentais chaque particules de mon corps se dilater et rejeter toute l’amertume du monde. Je ne le supportais plus. Son regard vide et incompréhensible ne m’atteignait même plus.
Il prit son verre et en vida la moitié. Les glaçons s’entrechoquèrent sous ses yeux noyés dans le vague. Je n’avais même pas la force de toucher mon verre pour le porter à mes lèvres. Ma gorge était sèche et j’avais en moi une sourde envie d’éclater en larmes. Je ne craquais pas et me forçait à garder le cap.
Il leva la tête et l’inclina légèrement sur la droite en me demandant dans un murmure presqu’inaudible :
« Tu es heureuse ? »
Ma gorge se serrait mais je me forçai à répondre :
« Oui. »
« Moi pas. Pourtant je crois que j’ai tout pour l’être. Mais ce n’est pas le cas. »
« Je ne reviendrais pas Goyave. »
« Je sais. »
Il toucha son verre un long moment. Je le regardais comme si je sentais que c’était réellement la dernière fois que je le voyais.
Il amena son verre à ses lèvres et avala le tout en une gorgée. Il le posa et recula sa chaise.
Goyave se leva et lorsque mes yeux croisèrent son regard il me dit posément.
« Désolé pour tout ça Cerise. »
Il passa derrière moi et sortis du bar.
Les doigts posés autour du verre à cocktail à la couleur verte ambrée, je revivais mille fois le dialogue.
C’était surréaliste. Tellement loin de ce que j’avais imaginé.
Après quelques minutes, je me levais pour allez payer mon verre avant de sortir d’ici.
« J’ai pris une daiquiri. »
Le barman me sourit gentiment en répondant : « Monsieur Goyave a payé la note, Mademoiselle. »
Voilà.
Cette phrase est le parfait résumé de quatre ans de relation.
Timaa
novembre 16, 2012Incroyable ! Tu es d’une force ! Je crois que je t’admire !
Mlle Cerise
novembre 22, 2012Merci beaucoup pour ton commentaire ! =)
Je pense que tout le monde réagit plus ou moins comme ça quand on ne supporte plus ce qui nous arrive…
Bisous,
Cerise